Nous tentons ici de répondre au « fil de l’eau » aux questions que suscite notre projet. N’hésitez pas à nous soumettre les vôtres.
Pourquoi et comment avez-vous fait le choix de la structure juridique coop d’habitants sous statut 1947?
Bruno – Nous en avons connu l’existence des coopératives d’habitants au travers des réseaux qui portent l’habitat participatif et en particulier via Habicoop. Cette association a milité pour la restauration de ce statut qui a fait naître de nombreux projets en France avant d’être abrogé en 1971. Il y a plusieurs motivations à ce choix. La première liée à la constitution du groupe avec des profils socio-économiques et capacités d’apport très différentes. La coopérative offrait un dispositif de solidarité financière permettant à chacun de disposer d’un logement adapté à ses besoins sans être limité strictement par ses apports. La seconde, l’accès à des prêts bancaires de longue durée encadrés par une convention avec le PLS. Cela permet d’étaler les remboursements et d’optimiser le montage financier. Enfin, disons que par ses clauses anti-spéculatives, un détachement de la propriété individuelle au profit du droit d’usage et du développement des communs, son principe de gouvernance (une personne-une voix), ce statut épouse une éthique plus en phase avec nos valeurs.
Pourquoi avez-vous écarté la structure juridique d’une SCIA ?
Bruno – Pour les motifs invoqués plus haut, l’accès à des prêts individuels n’était pas possible pour une bonne partie des membres du groupe. En mutualisant les apports et en s’orientant vers un prêt collectif faisant tampon entre les situations individuelles et la banque, la solvabilité de l’opération était assurée. La vocation d’une SCIA est de basculer vers une copropriété qui restaure des droits de propriété individuelle classiques sur des lots. Ce régime de propriété ouvre un risque d‘atteinte à la pérennité de l’esprit du projet par voie de mutations successives.
Concernant les différents postes budgétaires, quelles sont les clés de répartition que vous vous êtes données ?
Bruno – Le principe de répartition des charges de fonctionnement de la coopérative est assis sur la surface utile des logements. Ce principe de péréquation pourrait être adapté en fonction d’une modulation des usages des communs. Cette approche « à la carte » aurait néanmoins complexifié les choses. Elle entrouvre de plus la porte au désengagement des uns ou des autres d’une partie du projet ce qui peut finir par fragiliser l’ensemble de l’équilibre financier.
Sur l’aspect construction, et sur la question thermique, de l’isolation et des choix de matériaux, quel système préconisez-vous ?
Bruno – Les grands principes sont évidemment d’investir dans les performances d’isolement de l’enveloppe et de favoriser les apports solaires (bio-climatisme). Ce qui réduit considérablement les besoins en chauffage. Il faut toutefois composer, s’agissant d’une opération de logements collectifs, avec l’environnement réglementaire (RT 2012) et ses biais. Ils induisent des arbitrages pas toujours en cohérence avec nos principes de sobriété et notre souhait de recourir à des matériaux naturels renouvelables. Nous souhaitions opter pour une enveloppe en caisson paille nous garantissant des performances quasi passives. Nous avons du nous replier sur une solution plus conventionnelle associant laine de bois et ouate de cellulose sur une ossature bois. Celle-ci garantie toutefois une performance au-delà des niveaux réglementaires.
A partir du moment où chaque maison est bien isolée, voyez-vous l’intérêt d’une chaudière collective?
Bruno – Nous avons opté pour des poêles à granule individuels utilisant donc une énergie renouvelable. La mise en œuvre d’une chaudière collective pour des logements présentant des performances d’isolement optimisées n’est pas intéressante, ni sur le plan de l’investissement, ni sur le plan du rendement (déperdition dans la distribution pour un projet éclaté en plusieurs maisonnées, fonctionnement en sous-régime) sans compter les frais de maintenances plus importants sur un système de chauffage collectif centralisé.
Jean-Claude – Certains habitants des maisonnées, principalement ceux qui bénéficient de murs mitoyens, ont fait le choix de ne s’équiper d’aucun appareil de chauffage en dehors du sèche serviette obligatoire dans la salle de bain. Les appartements sont bien isolés et on constate que la température reste convenable même quand le thermomètre atteint des valeurs négatives à condition de limiter les ouvertures prolongées des portes et fenêtres.
Comment avez vous réussi à surmonter la difficulté à trouver des interlocuteurs bancaires et des dossiers de prêts bancaires?
Bruno – C’est en s’appuyant sur les contacts préalables pris par les groupes d’habitants au sein d’HEN et la confiance établie au fil des projets. Ce type de dossiers se traite au niveau des sièges régionaux voire avec une consultation au niveau national. Ne pas perdre d’énergie avec une agence bancaire locale qui n’aura pas les compétences pour instruire ce type de dossier. Nous avons mobilisé différents types de prêt : PLS sur 40 ans et « libre » sur 25 ans. Seules quelques banques sont habilitées à délivrer des prêts PLS.
Avez vous envisagé d’autres montages juridiques?
Bruno – Dans la configuration économique et les situations des membres du groupe consolidé, la coopérative s’est imposée comme le meilleur outil pour garder tout le monde à bord.
A quel moment avez vous créé la structure juridique?
Bruno – La création de la coopérative sous la forme d’une SAS à capital variable à statut coopératif s’est faite quelques mois après la signature du compromis de vente établi en indivision par 4 membres du groupe dotés du capital pour acquérir le bien. Ce compromis intégrait une clause de substitution qui a joué au profit de la coopérative. La conclusion de l’acte authentique était également assortie d’une clause suspensive pour l’obtention du permis de construire purgé avec un délais de 12 mois.
Quelle structure, s’il y a lieu, vous a aidé pour votre montage juridique? Idem pour le montage financier ?
Bruno – Le groupe a fonctionné en autonomie en s’appuyant sur les ressources et compétences internes. Habicoop sollicité pour assurer un accompagnement sur le montage en coopérative ne pouvait assurer cette mission dans des délais compatibles avec notre calendrier. Nous avons pris alors appuis sur les statuts de coopératives existantes et rédigé collégialement nos statuts. Le projet de statut a fait l’objet d’une relecture et d’ajustements par notre notaire, « aculturé » aux spécificités de nos projets depuis plusieurs années.
Comment est calculé le montant de la redevance ?
Bruno – C’est un vaste sujet… La redevance comprend une part dite locative assimilable à un loyer à « fond perdu » et une part acquisitive, mise en épargne convertie en parts sociales ou versée en compte courant d’associés. Cette dernière est restituée en cas de retrait de la coopérative. Le montant de la redevance est proportionnel à la surface utile du logement occupé pondéré d’un coefficient de structure. Nous avons plafonné le montant de la redevance y compris part acquisitive en dessous du plafond imposé par les barèmes des prêts PLS pour la zone considérée. La part locative reste dans les fourchettes des loyers de logements sociaux autour de 6.3€/M2 utile en 2022. Elle est éligible aux aides de la CAF pour les ayants droits. L’ensemble des produits des redevances doit permettre d’équilibrer sur le long terme les finances de la coopérative. Ils couvrent entre autres les charges liées au fonctionnement des parties communes, les intérêts des emprunts, les taxes foncières, assurances, les provisions pour gros travaux, et vacances de loyers, …
Quelle redevance pour le coopérateur ayant apporté le plus d’apport et le moins d’apport?
Le montant de la redevance est assis sur la surface utile du logement indépendamment de l’apport. Toutefois certains coopérateurs ayant approvisionné un compte courant d’associé (sorte d’avance en trésorerie) peuvent le décrémenter périodiquement pour minorer leur versement mensuel.